Août 2010, je saute du TGV qui vient de s’immobiliser en gare. Nice me voici : à moi les palmiers, le soleil et la grande bleue ! Je me presse, traînant mon bagage à roulettes derrière moi tel un chien réticent. A l’extérieur, une bande de zonards avinés squattent le haut du trottoir. L’un d’eux, dans un fauteuil roulant, la barbe souillée de vomi, se pisse dessus. Le flot d’urine coule jusqu’au caniveau, je soulève ma valise enjambant son infortune.
Un taxi me dépose devant mon hôtel, un quatre étoiles, pas moins, ce n’est pas trop que je roule sur l’or, mais je refuse d’être plus tard le mort le plus riche du cimetière… remarquez il me reste encore pas mal de marge. Le personnel se jette sur mon bagage, le réceptionniste, lui, s’adresse à moi en anglais, ai-je une tête de rosbif… ou bien n’ont-ils jamais vu de Français ces gens là. Me voilà dans ma chambre enfin tranquille… pas vraiment, le bagagiste en livrée impeccable est toujours là, j’ai pigé, je lui glisse un bifton dans la main et il s’éclipse la mine réjouie.
16h30, les plages sont noires de monde, mon dieu quel étalage de viande. Par chance j’aperçois quelques galets inoccupés. Après un itinéraire hasardeux au milieu de toute cette barbaque, évitant, là une jambe, ici une tête, je parviens enfin à destination. Une place de libre cela tient du miracle. Mais très vite je comprends les raisons de sa vacance : les pieds d’un chanceux ont consciencieusement tartiné les pierres plates de déjections canines. Finalement, le départ d’une bourgeoise friquée, décorée d’or comme un sapin de noël me sauve la mise.
Magnifique ! c’est le mot pour qualifier l’interminable promenade des Anglais (où j’ai croisé plus d’asiatiques que de sujets de sa majesté ) franchement j’aime beaucoup… pas la majesté : la prom’s*.
De la place de l’ancien château la vue sur la Baie des Anges est vraiment unique. Comme j’aimerais être un ange pour survoler ce paysage de rêve, mais aussi pour éviter de me farcir tous les escaliers de la descente, c’est vrai, il existe un ascenseur, mais je n’aime pas trop les ascenseurs.
Que dire de la place Masséna, c’est le cœur de la ville, un très grand cœur. Endroit sublime arrosé par de grandioses fontaines, dommage que des esprits torturés y aient suspendu de laides statues de résine aux sommets de mâts. Le lycée du même nom (Masséna), admirable construction, m‘a envoûté.
Cimiez avec ses belles maisons, ses arènes antiques, son monastère et ses jardins vaut largement le détour. Pour les amateurs de romanité une visite au musée des arènes s’impose.
Je t’aime aussi Nice pour ton climat fait de soleil : du soleil le matin, du soleil le midi, du soleil le soir et du soleil la nuit… non, pas la nuit, là je déconne ! Mais la nuit tout grouille de vie, la prom’s comme la place Masséna où se produisent chanteurs, danseurs, jongleurs et musiciens, le tout avec plus ou moins de talent, mais finalement c’est la fête, le reste on s’en fout.
La vieille ville : ses maisons, son dédale de petites rues, le cours Saleya, son marché aux fleurs, les produits locaux, frais ou séchés… les couleurs, les odeurs, les saveurs, j’adore tout !
La cuisine niçoise est très goûteuse, la salade comme l’assiette du même nom…et la socca, oui la socca que l’on mange à toute heure Chez René ou ailleurs, avec les doigts ou pas, mais toujours devant un verre de vin, j‘apprécie vraiment.
Le monument dédié aux enfants de la ville tombés lors des dernières guerres est le plus grand de France et l’un des plus imposants d’Europe, il m’a vraiment impressionné. Les plaques d’identité des 4000 Niçois morts au combat pendant la première guerre y sont enfermées dans une urne scellée. Ce gigantesque édifice gravé d’une interminable liste de noms bien rangés par guerre et ordre alphabétique, représente surtout des chairs martyrisées, des larmes, des souffrances, des familles éclatées, des veuves et des orphelins.
J’ai dû passer pour un péquenot avec ma manie de jauger la hauteur et le diamètre des plus beaux palmiers… que voulez-vous dans les villes de ma région on n’a pas le choix, c’est platanes ou tilleuls.
J’embarque pour une croisière sur le port, il a des allures et des couleurs d’Italie ce port. Que de jolis bateaux, avec de beaux équipages bien propres, bien habillés. Sur le pont de l’un d’eux, un nabab au ventre de baleine se fait dorer la pilule pendant que ses domestiques font la chaîne chargeant les caisses de bouteilles de champagne qu’un camion vient de livrer.
Me voici en mer, je fais le paparazzo mitraillant à tout va de mon pauvre A.P.N. les villas de « R.MIstes » accrochées sur la roche : Elton John, Bill Gates, Bono, Mick Jagger, Tina Turner etc. Aux abords de Monaco, où je dois passer la journée, de somptueux navires sont ancrés, hélicos sur le pont prêts à décoller. Les milliardaires, c’est bien connu, tous de vrais fainéants.
La palme de tout ce qui flotte revient à un yacht propriété d‘un Saoudien, plus de cent mètres de long et soixante hommes d‘équipage. Les lettres composant le nom du bateau : Lady Moura sont en or massif. Y a des jours comme ça où j’aimerais bien avoir une pince-monseigneur sur moi, rien que pour en décrocher une, de lettre, histoire d’assurer mes vieux jours. Je prendrais le « M » d’abord parce que c’est le début de mon prénom, mais surtout car c’est une grande lettre, donc avec plus de métal jaune.
Mais il ne faut pas jouer à ça, ici, à Monaco il y a un flic par voleur, et presque un par habitant même. Si tu sors des passages cloutés tu te fais alpaguer aussitôt. Et si tu ne réponds pas bien aux forces de l’ordre, c’est direct en tôle pour trois jours. Remarquez, la prison c’est la plus classe du monde avec vue imprenable sur la mer.
Sur le rocher, pas de mendiants, ni de clochards, ici tout est aseptisé. Les riches n’aiment pas voir des pauvres. Peut-être même que ça les contrarie la misère, des fois qu’un petit sentiment de honte, resurgissant de je ne sais où, gâche leurs pensées l’espace d’un instant.
Tout en béton qu’il est le rocher, du béton, encore du béton et toujours du béton, franchement trop bétonnée pour moi cette principauté, question de principe je n’aime pas le béton.
A la relève de la garde, on se croirait à Buckingham palace, avec un temps beaucoup moins pourri fort heureusement.
Le musée océanographique, c’est un truc à voir, mais cela tourne quand même à l’overdose de poissons et à la fin on en ressort avec des branchies à la place des oreilles.
Les jardins exotiques, c’est le mieux, une féerie de plantes hors normes et très variées, la Méditerranée en toile de fond…
C’étaient quelques impressions écrites sur la tablette du TGV retour .
* Promenade des Anglais
Commentaires de l’ancien blog
— Francine 10/07/2011 08:43
bonjour mon Marco
je viens de lire la première page de ton blog et je suis scotchée !!!!!!!!!!! ta façon d’écrire me plait beaucoup et dès que mes yeux seront de nouveau performants je continue, bravo mon Marco et
merci encore pour la bonne journée d’hier.
bises
ta cousine
— Bateke 10/01/2011 18:05
Salut Marco
Nous avons bien aimé l’histoire de ton voyage à Nice, pas encore le temps de lire la suite car les retraités sont débordés – comme chacun sait – en ce qui concerne le loufiat, un petit conseil
pour la prochaine fois : lorsqu’il attend avec son sourire de circonstance, tu te dirige vivement vers lui la main en avant (à ce moment là il croit que tu tiens un billet plié dans le creux de
ta main que tu veux lui glisser discrètement) et prenant l’air du gars qui débarque de sa cambrousse, tu lui secoue la main chaleureusement (ne pas oublier la chaleur c’est important) comme si il
venait de te rendre un immense service. Crois moi ça marche – j’ai expérimenté – bien sur tu passes pour un péquenot radin, mais ça n’a pas vraiment d’importance n’est ce pas ?
— Andrée 05/01/2011 12:55
Bravo Marco,
Je viens de revivre le séjour que nous avions fait que se soit Nice ou bien Monaco.Nous étions admiratif du paysage mais très choqués par l’étalage du fric … aucune pudeur. Les premiers seront
les derniers ! tiens…bizarre…le futur ne fait pas ou plus peur .Ton récit est parfait, tes photos sont belles.
Il faut continuer à nous raconter tes histoires qui sont toujours très réalistes.
Tous nos voeux pour 2011
— libellule (Nina) 02/01/2011 20:34
Du haut de leur mât les scribes de la place Masséna contemplent le touriste surpris.
Tiens la gare, pas si class et finalement assez petite pour une si grande ville.
A l’hôtel ils prennent tous leurs clients pour des américains, la preuve par les prix!
La plage, qui l’eût cru? des éléphants de mer échoués en méditerranée?
Mais au-delà de ces désolantes apparences, le voyageur qui s’en donnera la peine, entendra dans le gazouillis des fontaines, dans le souffle du vent marin qui, le soir venu rafraîchit les façades
colorées écrasées de soleil, dans le ressac des vagues au petit matin, une voix qui lui murmure « bienvenue »…..
C’était ma vision de Nice, la tienne est plus réaliste et poétique à la fois. En tout cas très bien écrite, d’un style différent des autres nouvelles, plus instantané.
Libellule
— Sylviane 02 01 2011 12:41
Jolies photos, dommage trop d’habitations pour moi.Dis donc tu as été à Buckgham palace!!!!Monaco pue le fric pourtant il y a aussi les anciens habitants qui vivent parfois avec des minima
sociaux, j’avais vu un reportage la dessus. C’est les avantages fiscaux qui attirent le pognon.Je trouve que tu écris un peu comme Boudard!! Je n’ai lu que l’article de la fin de l’année!
Bonne Année 2011