La morille grise en Île de France (Morchella esculenta)

Publié le 30 janvier 2021 par Marc.Gino

La morille commune ou morille grise (Morchella esculenta)

Au dessus, vous pouvez, si vous le désirez, écouter de la musique en parcourant cet article

Avant d’aborder le sujet de cet article, résumons rapidement ce qu’est un champignon.

Les champignons, ne sont ni des végétaux, ni des animaux même si leur alimentation se rapproche de celle de ces derniers. Ils font partie des fongiques (règne des fongiques).

Reproduction :

Les champignons possèdent une partie fertile, assise des cellules reproductrices, nommée lhyménium.

Prenons l’exemple du fameux cèpe de bordeaux, les tubes présents en très grands nombres sous son chapeau, faisant songer à de la mousse, forment l’hyménium.

Chez la chanterelle commune ou girolle l’hyménium est à plis.

Dans le cas du rosé des prés, ou même de l’amanite phalloïde l’hyménium est à lames. 

L’hyménium des morilles se trouve dans les alvéoles ou creux.

Pour comprendre le fonctionnement il faut imaginer un arbre fruitier du nom de mycélium qui serait plus ou moins en profondeur dans le sol et dont les fruits, les champignons, seraient aériens.

Le mycélium est composé d’un réseau très dense de filaments progressant au fil du temps pouvant couvrir de très grandes surfaces.

De récentes études ont prouvé que les arbres communiquent entre eux grâce à ce réseau.

Le champignon en vieillissant va libérer les spores présents dans sa partie fertile (hyménium), dans le cas de notre morille : ses alvéoles.

Le vent, voire les animaux propageront ces spores qui, par conditions favorables, produiront le mycélium. Ce même mycélium donnera, par la suite, des fruits : les champignons.

Déjà, dans l’antiquité, les gens connaissaient et consommaient les champignons. Bien cuisinés les variétés mortelles servaient à éliminer les ennemis. Ainsi Agrippine se serait débarrassée de l’empereur Claude avec un plat de champignons  vénéneux.

Maintenant passons à l’objet de cet article.

Description :

La morille commune ou morille grise est un champignon printanier d’une dizaine de centimètres de hauteur. Son pied, de couleur blanche, plus gros à la base, est inséré en bas du chapeau. Le chapeau a l’aspect d’une éponge avec de profondes alvéoles aux bords irréguliers.

Elle fait partie de la famille des Morchellacées. La couleur du chapeau alvéolé est grise parfois un peu plus foncée. Le chapeau d’une vieille morille grise a tendance à jaunir ce qui n’en fait pas pour autant une morille blonde qui est une variété différente du nom de morille ronde.

L’odeur que dégage ce champignon est puissante mais très agréable. Sa découverte est toujours un grand moment de bonheur pour le ramasseur.

Quand la trouver :

Elle pousse dans les 15 premiers jours d’avril en région Île de France. La première semaine étant souvent la bonne.

Certains disent qu’un hiver neigeux est favorable à la poussée, personnellement moi qui les traque depuis près de quarante ans, je n’ai pas vraiment remarqué cela.

Par contre un mois de mars très pluvieux, même froid, suivi d’une fin de mois ensoleillée et douce en température peut donner de bonnes récoltes.

Mais pourtant, lorsque toutes les conditions semblent réunies, pour une cueillette honorable, notre morille est absente ou peu présente. A contrario, j’ai connu des printemps froids où la morille était sortie malgré tout, puis avait séché sur place sous un glacial vent d’est.

Finalement la meilleure solution consiste à battre bois et campagne dès les premiers jours d’avril, à la recherche de notre capricieuse bien-aimée.                                                                       

La morille se mérite et il faut souvent essuyer plusieurs « bredouilles » avant la sortie réussie qui fait tout oublier.

Quelques signes qui peuvent vous guider sur le moment propice dans la forêt :

La jacinthe sauvage est déjà sortie même si elle n’est pas encore bien fleurie.

Certains arbres, comme le chêne, font de petites feuilles.

Les baveux des bois, les escargots de bourgogne, sont sortis de leur léthargie.

Une plante est souvent le refuge des morilles qui poussent en symbiose avec elle. Il s’agit du mercuriale vivace (Mercurialis perennis) (Voir photo 3). Dès qu’elle atteint une hauteur de 15 cm  commencez à prospecter.

Une autre plante fréquente les mêmes lieux que la morille : l’Arum Maculatum, ou Arum tacheté (Voir photo 4 ).

Pour terminer, un sol en partie couvert de lierre peut être un bon signe.

Où la trouver :

Les vergers plantés de pommiers sont des lieux à visiter. Notamment là où des tas de pommes ont pourri.

Dans la forêt certains arbres favorisent les découvertes tout particulièrement les frênes. A une moindre échelle, les bouleaux, les noisetiers, les saules et les acacias peuvent avoir comme voisines des morilles.

 Si la morille pousse parfois sur les pelouses, cela vient souvent du  fait que des pommiers étaient plantés à cet endroit dans le passé. De la terre ramenée d’un lieu où est présent ce champignon peut aussi provoquer la sortie de morilles.

 Les coupes de bois ou les zones de brûlis sont propices aux poussées.

Les ruines de constructions, vieux murs et éboulis de toutes sortes sont parfois sources de belles découvertes.

Les berges de rivières sableuses, les bords des étangs issus de trous de carrières réservent souvent d’agréables surprises.

Attention toutefois, si vous voulez manger de la qualité, j’ai découvert des morilles sur des décharges sauvages (exemple : vieux matelas en décomposition).                                           

Le champignon est un  filtre qui absorbe tout… même du désherbant.

Les meilleurs sols :

La morille déteste les lourds terrains argileux ou glaiseux. Les sols sablonneux, sableux et calcaires sont de loin les meilleurs.

La morille grise peut, un beau jour de printemps, sortir à un endroit où vous n’en avez jamais rencontrée, et ne plus jamais y repousser ensuite.

Les vieux exemplaires doivent rester sur place car comme tous les vieux champignons ils peuvent vous rendre malades. De plus en les laissant fertiliser le secteur vous vous garantissez de belles récoltes futures.

En route c’est le moment :

Avril est là, mettez vous donc en chasse. Un traqueur de morille digne de ce nom utilise toujours une badine pas trop raide, d’un mètre de longueur environ, pour fouiller la végétation. Dans les surfaces encombrées écartez les herbes doucement et méthodiquement. Et d’un seul coup ! alors que vous n’y croyez plus, quel bonheur de voir apparaître plusieurs petites têtes alvéolées, tel un rideau de théâtre ouvert brusquement dévoilant les comédiens.

Si la morille peut être qualifiée de grégaire (souvent en groupe) il n’est pas rare de trouver des individus isolés au pied d’un arbre ou le long d’une haie.

Un soleil chaud d’avril après une giboulée, un sol qui fume et quelques beaux exemplaires dans son panier, qui y a t-il de mieux pour rendre la vie belle…

Si vous en trouvez une ne la ramassez pas tout de suite, habituez bien vos yeux à la forme et la couleur des morilles. Il y de grandes chances que d’autres soient dans les parages immédiats. Attention aussi où vous mettez les pieds il est toujours dommage d’en écraser.

Si vous n’êtes pas seul à les chasser ne vous baissez jamais pour en cueillir une, si une personne étrangère vous voit, vous pourriez dire adieu à votre coin.

Il faut bien le dire la morille est sacrée jamais on ne divulgue « ses coins », on les emporte même dans la tombe comme un grand secret.

Et ne faites pas comme un de mes amis qui voulant faire plaisir à un collègue de travail, l’invite un jour dans son meilleur coin à cèpes.

La saison d’après quelle ne fut pas la surprise de cet ami se rendant, confiant, dans le fameux coin d’y découvrir le collègue en question accompagné d’autres personnes.

Non, je le redis (je le réécris plutôt) : pas de sentiments quand il s’agit de coins à champignons !

Les champignons printaniers sont de loin les plus parfumés, la morille comme le Saint-Georges qui fera l’objet d’une autre publication.

Un autre avantage et pas des moindres : au printemps les bois sont pratiquement déserts de chercheurs, ce qui n’est pas du tout le cas de l’automne où c’est la grande bousculade dans la quête des cèpes de bordeaux. Il faut voir à cette période les voitures garées à touche-touche le long des routes départementales.

La morille grise se confond si bien à son environnement que l’on peut passer à côté sans la voir, être vraiment attentif est primordial.

À ce propos j’ai une anecdote à vous raconter :

C’était il y a sept ou huit ans, j’arrivais dans un de mes coins quand je remarquai deux   personnes, certainement mari et femme, bâtons en main prospectant le secteur. Ils allaient droit sur la partie que je convoitais, lieu habituel de belles découvertes.

Il me fallait être convaincant, j’engageai la conversation :

 » Bonjour, belle journée pour une promenade en forêt.

— Oui c’est agréable, nous cherchons des morilles, il y en avait dans le temps me dit l’homme.

Désignant « mon coin » de la main je répondis :

— Je viens de faire toute cette partie sans en rencontrer une, je suis dégoûté je rentre chez moi.

Je tournai les talons après les avoir salués. Caché derrière un gros frêne à une vingtaine de mètres d’eux je les observais. Il semblaient démotivés cherchant de façon désordonnée. Finalement ils longèrent mon coin puis disparurent de ma vue.

J’avais su être persuasif, ce jour là dans « mon coin » la récolte fut correcte.

Une des deux personnes avait même couché une morille en passant sans même s’en rendre compte.

la tempête de 1999 ravagea une forêt de feuillus où je récoltais ce champignon.

Des allées furent créées pour sortir le bois avec les engins. Ce fut un véritable carnage il ne restait plus grand chose debout et le sol ressemblait à un terrain de manoeuvre. C’est donc sans espoir que j’y retournais le printemps suivant.

À ma grande surprise j’en trouvais même dans les traces laissées par les roues des tracteurs. Des grises des plus claires, des plus foncées, des petites des grosses : il y en avait partout, je remplis mon panier et un grand sac que j’emmène parfois, au cas où.

Malheureusement, ensuite, il fallut plus de 10 ans pour que j’en retrouve dans ce secteur martyrisé et jamais je n’y refis une pareille récolte.

Autres champignons de la famille des Morchellacées :

Un petit peu plus tardivement arrive la morille ronde ou grosse blonde qui peut être de taille impressionnante. Vingt centimètres de haut avec une tête plus grosse qu’un poing. Mais si la prise est belle, culinairement elle n’est pas au niveau de la morille grise.

Vous pourrez aussi tomber sur le morillon qui possède un long pied et un petit chapeau  avec alvéoles. Dans l’assiette il est à la morille grise ce que le merle est à la grive. Remarquez,  j’écris cela mais je ne mange ni merles ni grives.

En parlant de grives, le vieux René, le coureur de bois, qui m’avait fait découvrir les champignons, avait expliqué que pour trouver des morilles il fallait suivre les grives. J’étais jeune et je lui avais alors demandé, comment faire puisqu’elles volaient, les grives ?… Et René, goguenard, m’avait répondu : tu n’as qu’à voler aussi !

Enfin la Verpe qui est très loin de rivaliser avec la morille en cuisine, se distingue de cette dernière par un chapeau creusé de sillons sinueux bien moins profonds que les alvéoles des morilles.

La gyromitre comestible… qui peut être mortelle contrairement à son appellation.

Je n’ai jamais découvert en région parisienne cette variété de la famille des Discinaceae. De toute façon elle ne ressemble pas du tout à une morille, son chapeau fait plus penser à un cerveau qu’à une éponge.

Pour l’identification il faut savoir que si l’aspect général de ces champignons ne varie que très peu selon la variété, en revanche la couleur du chapeau n’est pas toujours tout à fait la même.

Pour cueillir ces champignons inutile de couper au ras du sol avec un couteau, laissant ainsi un trognon blanc qui risque de contaminer le mycélium… et surtout indiquer à un promeneur éclairé ce qui pousse en ce lieu.

La meilleure méthode consiste à dégager le champignon délicatement en respectant au mieux le réseau souterrain et ensuite recouvrir de feuilles.

Nettoyage de votre récolte :

Vous pouvez lire un peu partout que de laver les champignons est un sacrilège car vous leur ôtez de la saveur.

Faites comme vous le voulez, mais les morilles poussant souvent sur des terres sableuses, je pense que de sentir du sable grincer sous les dents est une insulte faite au palais des gastronomes et à ce merveilleux comestible.

Et croyez-moi le lavage ne lui enlève que très peu de goût.

En arrivant à la maison coupez la base du pied qui est trop terreuse. Puis fendez le champignon sur toute la hauteur, vous pourrez ainsi constater qu’il est entièrement creux et habité par de nombreux insectes qui vont sortir en pestant contre la destruction de leur hôtel.

Ensuite nettoyez méthodiquement avec de l’eau, en insistant dans les alvéoles.

Attention les morilles ne doivent jamais être consommées crues !

En effet elles contiennent des substances toxiques que seule la cuisson détruit.

Quelques idées de préparation :

Je ne vais pas publier de recettes mais simplement vous indiquer comment j’aime déguster cette morille grise au goût divin et au parfum intense.

Voici mes quatre recettes préférées : morilles à la crème, omelette de morilles, poulet au morilles, et Saint- Jacques aux morilles. Pour les très gros exemplaires (pas trop avancés), conservez-les pour faire de la soupe cet hiver, c’est vraiment délicieux !

Vous trouverez facilement ces recettes sur internet ou sur des livres de cuisine.

J’espère que mon article vous donnera l’envie de partir à l’aventure dans la quête du Graal qu’est la morille grise.

Photo 3           Groupe de morilles entre des mercuriales vivaces

Deux morilles grises, à noter le chapeau de la plus grosse s’est bien éclairci.  

Photo 4 l’Arum Maculatum

Grosse morille gênée par une branche tombée

Belle récolte que je vous souhaite
Gros exemplaires

                               

Vous pouvez me laisser un commentaire, je répondrai avec plaisir. 

Commentaires

  1. Pierre says:

    Bravo et merci pour cette belle page ! Les photos aussi sont belles !
    J’y vais lundi ! (1er avril 2024)
    Un petit détail : ne jamais couvrir la poele lors de la cuisson car la condensation des vapeurs fait retomber toutes les toxines dedans ! (c’est valable je crois pour les champignons en général)
    On m’a dit aussi que l’idéal pour bien nettoyer les alvéoles, c’est un jet d’air comprimé (mais il faut avoir ça sous la main !)

    1. Marc Gino says:

      Bonjour Pierre,

      Merci pour votre commentaire et le détail sur la cuisson. Je croise les doigts pour votre sortie du premier avril. J’irai faire un tour, dans mes coins, en fin de semaine prochaine.

  2. martine correia says:

    Bonjour, merci d’avoir pris le temps pour ces explications. Commentaires instructifs et anecdotes fort sympathiques ! 😊

    1. Marc Gino says:

      Merci pour votre gentil commentaire Martine, c’est sympa d’être venue sur mon blog.

  3. Myrto says:

    Merci de cet article, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire, les anecdotes sont savoureuses, presque autant que ce délicieux champignon !

    1. Marc Gino says:

      Merci Myrto d’avoir pris le temps de laisser un commentaire et je suis heureux que vous ayez aimé cet article.

      Marc Gino

    2. Resplandy says:

      Merci infiniment pour votre article

      Pourriez vous au moins nous dire dans quelle foret d ile de france ?
      Mille mercis

      1. Marc Gino says:

        Bonsoir Resplandy,

        Merci d’être venu sur mon blog. Comme je l’ai écrit les coins ne se dévoilent jamais. Je vous invite à chercher dans votre secteur
        une forêt aux frênes dominants sur un sol sableux ou calcaire. Quelle fierté vous aurez alors de découvrir votre propre coin !

        Marc Gino

  4. Seb says:

    Bonjour, vous parlez de l’Ile de France, j’imaginais plus ce champignon pousser en montagne. Savez vous si la foret de Clairefontaine est propice aux morilles ?

    Merci d’avance.

    1. Marc Gino says:

      Bonjour Seb, merci pour votre commentaire. Je ne connais pas cette forêt mais si les indicateurs que j’évoque sont présents, pourquoi pas…

Répondre à martine correia Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *